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Catalogue 1954

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Cont@ct

Merci à Daniel David, qui m'a permis de reproduire cette partie de son livre

" GNOME & RHONE, l'histoire des motocyclettes".

 

 

X DE NOUVEAU DE VRAIES MOTOS : LES BLOCS 4 VITESSES


Début 51, la cylindrée de 175 cm3 se démocratise, tous les constructeurs proposent des versions dans cette cylindrée. Chez Gnome, Les motocyclettes rejoignent l'usine de Gennevilliers. Le sigle Snecma remplace "Avions Voisin" sur les réservoirs. Une page est tournée.

L’usine étudie une version 175 cm3. Un prototype de moteur est construit, il s'agit d’un bloc quatre vitesses dont le sélecteur est à commande directe. Dans un premier temps, ce moteur est monté dans une partie cycle de 125 R4. Il faut bien sûr mettre à l'épreuve cette nouvelle machine...

Infatigable, Bernard repart le 29 mai 1951 à 22 h sur le prototype 175 cm3.

Il arrive le 31 mai à Casablanca à 4 h du matin. La machine est parfaite mais la voiture suiveuse tombe en panne au bout de 1 400 km. Monsieur Massonet, habituel chronométreur délégué, doit alors s'installer avec ses bagages sur le tan-sad de la Gnome & Rhône et repartir vers Algesiras surchargé de plus de 100 kg.

Des vents contraires rendent la traversée plus longue que prévu et un arrêt de plusieurs heures à la frontière fait que nos deux voyageurs rallient Paris à Casablanca en 55h. Arrêts déduits, la distance entre les deux villes est donc parcourue en moins de 48 h. Au cours de ce raid, il emmène de la capitale une gerbe de fleurs afin de fleurir la tombe de Marcel Cerdan : hommage d'un champion à un autre champion.

Pour réussir ce type de raid, Gustave Bernard soigne avant tout le graissage. Il pense que les deux-temps sont en général mal graissés. Soit l'huile est trop fluide : elle se mélange bien à l'essence mais son pouvoir lubrifiant est faible. Soit elle est trop épaisse et ne s'associe pas au carburant. Pour remédier à cela, en Allemagne ou en Suisse, de nombreux brasseurs sont utilisés aux pompes de distribution. Bernard s'est donc fabriqué un tonnelet avec à la base 2 hélices contra-rotatives, actionnées par une manivelle. Le liquide ne tarde pas à être projeté par la force centrifuge le long des parois. Sur ces parois, il a disposé quelques plaques sur lesquelles le mélange vient encore se heurter. Après quelques tours de manivelle d'un tel traitement, le mélange est "au point".

Dans le point de vente Gnome & Rhône, avenue de la Grande-Armée, une réception est donnée pour fêter Bernard au retour de Casablanca. Au cours d'une courte allocution, Monsieur Le Pronot annonce officiellement que la gestion des motos Gnome & Rhône est reprise par la Snecma et chacun lève son verre en l'honneur de Bernard.

Le Prototype 175 cm3

Nouveau raid en 175

Bernard tente un Paris - Biarritz - Paris, fin 1951, sur le prototype 175 cm3. Cette aventure est interrompue par un accident. Roulant dans un brouillard à couper au couteau, il manque un virage et c'est la chute. Pourtant la tentative s'annonçait bien, mais son bras droit heurte violemment le sol et handicape Bernard durant plusieurs mois.

Dès qu'il est de nouveau d'attaque, tel un cavalier éjecté, il remonte en selle. Le 24 juillet 1952 à 0 h, il reprend la route de Biarritz où il arrive avant midi. Arostéguy et ses amis du Vespa Club, ainsi que Deyris, motociste à Biarritz, l'attendent avec impatience. Le retour s'effectue sans problèmes et les 1 500 km au total sont avalés en 23 h 50, soit 62 km/h de moyenne.

"Ce fut une vraie promenade" confie Bernard à son arrivée, "Bien que la moyenne réelle soit quelque peu supérieure au chiffre indiqué, mais chut, pas un mot !..." En effet, la Fédération, pour ce type de raid, n'autorise que 60 km/h de moyenne.

La commercialisation tarde à venir

Les bouleversements qui secouent l'entreprise Snecma sont à l'origine de l'inertie que connaît le développement des motocyclettes Gnome & Rhône. Tantôt rattachée à telle direction, construite dans telle usine ou chez tel sous-traitant, relogée au fin fond des ateliers ou des hangars, la moto à la Snecma est vraiment marginale et intéresse peu la Direction. Heureusement quelques acharnés comme Bernard ou Bourguin sont encore là et arrivent à se faire entendre : mais les budgets espérés ne sont pas au rendez-vous. Il faut attendre l'été 53 pour voir arriver cette nouvelle 175 que l'on attend depuis 3 ans. Le prototype roule en effet depuis le Paris-Casablanca du mois de mai 51...

La version commerciale est donc enfin prête. Plus rien à voir avec le prototype qui empruntait la partie-cycle de la 125 R4 : tout a été repensé.

Cette machine s'appelle L53 : moteur deux-temps de 29 kg, à trois lumières, culasse type "Grand Sport Gnome & Rhône", cylindre fonte, alésage 60, course 61, donnant une cylindrée exacte de 172,47 cm3. Le régime nominal est de 5 625 tr/mn. Le volant magnétique est un ABG inversé, ce qui permet une parfaite accessibilité au rupteur et aux bobinages. Enfin, la boîte est à 4 rapports et le moteur comporte un boîtier inférieur rapporté qui supporte tout le mécanisme de sélection. Cette sélection, jugée trop ferme, restera d'ailleurs le point faible de ce moteur, l’essentiel des mécontentements portant sur la dureté de la boîte. Les dernières versions seront améliorées mais ne seront jamais parfaites.

Rien n'est négligé : la partie-cycle n'a plus rien à voir avec la série des 125 cm3, seule la selle reste conçue selon le même principe. Le réservoir, toujours un Mottaz, contient 15 litres et comporte des flancs chromés. La fourche est nouvelle : par contre, à l'arrière, toujours ces coulisseaux rudimentaires pour l'époque... Le poids total atteint 110 kg, l'ensemble est freiné par des freins de 150 mm, avec des garnitures de 25 mm. La qualité est au rendez-vous sur cette machine : présentation noir et chrome, liserés verts ou rouges, éclairage et avertisseurs sur batterie, compteur de vitesses incorporé au phare. Au cours de son évolution, la L 53 sera elle aussi disponible en vert réséda ou bordeaux.

Au mois de juillet 1953, Brant utilise une L53 d'avant-série et réalise le second Paris-Monaco qu'il termine premier ex-æquo Toujours au mois de juillet, Bernard veut réaliser un raid pour fêter ses 60 ans...

Raid d'anniversaire pour Bernard

Bernard s'élance à minuit de la Porte d'Italie, pour accomplir un Paris - Marseille - Paris en moins de 24 heures. Mais 300 km plus loin, dans le Morvan, il est victime d'un malaise et tombe en syncope. Après un quart d'heure de repos, il repart courageusement et arrive à Saint-Fons en banlieue lyonnaise, où l'attend un contrôleur, vers 7 h du matin. Là, il est victime d'une deuxième syncope, plus grave cette fois.

Bernard victime d'un malaise dans le Morvan

Le raid va-t-il échouer ? Tout le laisse prévoir, lorsqu'intervient un fait plutôt inattendu ! Sansoe, qui assiste au contrôle en tant qu'agent de la marque, enfourche la moto et file sur Marseille sans aucune préparation, et avec près d'une heure de retard (n'oublions pas que notre ami Sansoe est en complet-veston, sandalettes et béret basque...) à 12h11. Il arrive à Marseille, ravitaille et repart sur Lyon où il arrive à 17h33 à plus de 71 de moyenne !

René Amort, qui l'attend, reprend immédiatement la machine et fonce sur Paris où il arrive à 23h59. Le raid doit se terminer à minuit... Il était vraiment moins une ! Moyenne sur Autun-Paris : 72,8 km/h.

Bernard a été victime d'une congestion pulmonaire. Mais grâce à l'esprit sportif de ses amis lyonnais, qui ont repris la moto, la tentative a réussi malgré tout. Bernard explique ainsi la chose : "Le Bon Dieu préparait un raid et il pensait avoir besoin de moi, mais comme au dernier moment, il a changé d'avis, me voilà à nouveau solide sur mes jambes. Alors pour le 61ème anniversaire, je recommence".

L'arrivée des modèles carénés

Au Salon 53, sur le stand Gnome & Rhône, contrairement aux autres constructeurs, il n'y a que 4 modèles : les R4B et R4C, déjà connus, ainsi que deux nouveaux modèles qui sont à vrai dire des dérivés de la L53 : il s'agit des LX200 et LC531.

La LC531, semblable en tout point à la L53 sous l'angle de la conception et de la construction, est équipée d'une carapace en tôle masquant les 2 côtés de la machine, d'un marchepied surélevé à l'arrière et d'un tablier très large pour compléter la protection. Plus intéressant techniquement, un système de freinage hydraulique couplé obligeant ainsi automatiquement à se servir des 2 freins ceux qui oublient toujours le frein avant. Pour parfaire le couplage et se réserver un frein de secours, le frein avant peut être commandé également du guidon. Quoique intéressante, cette solution ne sera pas retenue sur la version de série disponible à partir de mai 54. Ce type de freinage développé par Moto Guzzi sous le nom de freinage intégral est très estimé et apprécié des adeptes de la marque de Mandello del Lario.

La LC531, moitié moto, moitié scooter, joue la carte de la propreté, elle s'adresse à la clientèle chic qui ne veut pas se salir et veut éviter de se mouiller en cas de route humide ou de petites pluies. Jacqueline Huet tournera même un spot publicitaire pour promouvoir les machines Gnome & Rhône, en particulier la LC531.

La cylindrée maximale : la LX200

Enfin, sur le même stand, toujours à ce Salon 53, est présenté un modèle extérieurement peu différent de la L53, si ce n'est une selle biplace et un gros réservoir. Il est équipé d'un moteur issu du 175 mais dont la cylindrée est portée à 200 cm3 par augmentation de l'alésage à 64 mm. La puissance de ce moteur atteint 12 ch, il s'agit de la LX200 version "Grand Routier", équipée d'une selle biplace et réceptionnée aux Mines le 7 février 1954.

Les 3 versions L53, LC531 et LX200 peuvent être choisies en couleur noir, vert réséda ou bordeaux, avec filets de couleur. Les L53 et LC531 sont données pour 100 km/h, contre 110 km/h pour la LX200. Une version carénée de la LX200 est aussi proposée, extérieurement identique à la LC531, mais avec selle biplace.

Début 54, le deuil frappe le département motocyclettes de la SNECMA. Monsieur Pillot, directeur des ventes, disparaît à l’âge de 52 ans. Gaston Bernard s’occupera désormais des ventes du département motos.


Une machine originale : la LX200 Trial

Au Salon suivant, en 1954, apparaît une nouvelle extrapolation de la L53 : il s'agit de la LX200 Trial. Poussés par une mode venue d'Outre-Manche, les constructeurs français commencent à s'intéresser à ce type de machines. La plupart du temps, les adeptes du trial font leurs premières armes en partant d’une machine de série, peu importe la marque ou le type : la recette nécessite une scie à métaux, une clé à molette, quelques pièces éparses et bien sûr un zeste de tour de main... Gnome & Rhône, estimant le créneau intéressant, franchit le pas en exposant cette nouvelle moto fort bien étudiée.

Elle est présentée couleur crème et chromes ou rouge vif et flancs de réservoir rapportés et chromés. Les premières versions sont équipées de la selle double : côté moteur, la seule modification se situe au niveau des lumières et de l'échappement, afin d'améliorer le couple à des régimes relativement bas. Bourguin et Guillemot, les ingénieurs maison, sont à l'origine de cette transformation. Tout de suite après la sortie du cylindre est montée une chambre de détente cylindrique, suivie d'un tube relevé terminé par un pot d'échappement en forme de mégaphone aplati, le tout se terminant par un long tube de fuite.

Le cadre demeure toujours le même, mais reçoit de petits garde-boue étroits et une semelle de protection du carter portant une béquille latérale. Quant à la béquille centrale, elle est remplacée par deux béquilles séparées pour chaque roue afin de pouvoir réparer une crevaison de l’avant ou de l’arrière sans jouer les acrobates, surtout qu’en tout-terrain avec les pneus de l’époque, il n’est pas rare d’avoir recours aux rustines. Gnome & Rhône propose également une version Trial en 175 cm3.

Michel Heuqueville parvient à décrocher un guidon Gnome & Rhône pour courir en cross et en trial : ses souvenirs croustillants en disent long sur l'ambiance de l'époque...

Le trial, avec Heuqueville

Le premier trial français à lieu à Buc en banlieue parisienne, à la Noël 1952. Ce sont les coureurs de cross anglais qui, en venant courir en France, et en apportant aussi pneus, bougies et quelques accessoires, font découvrir ce nouveau sport moto avec le concours du Club de Saint-Cloud, présidé par le champion de France 500 cm3 cross.

Bien sûr, l'idéal serait d'avoir une moto spécifique, mais on se débrouille. Soit on emploie sa moto de cross avec quelques aménagements ou (surtout pour les petites cylindrées) une tourisme transformée, en travaillant les rapports de boîte et l'allègement en supprimant les accessoires. Voilà pour le matériel.

Ensuite les hommes : ce sont en général des crossmen, curieux de découvrir cette nouveauté. Il n'est pas du tout question d'argent, ni pour les coureurs, ni pour les spectateurs, et tout de suite c'est un très beau succès. Les trials se courent en banlieue parisienne, partout où il y a de la forêt. Et trialistes et spectateurs sont bien courageux, car les épreuves ont lieu de novembre à mars. Il fait souvent très froid dans les bois, avec neige et glace. Les concurrents étant les mêmes qu'en motocross, leur saison d'été était donc prise, mais très vite des spécialistes spécifiquement trial viendront avec les catégories Experts, Débutants..., ce qui permettait à "Monsieur Tout-le-Monde" de venir avec sa moto, les conditions climatiques ne décourageant pas les prétendants.

Anecdote : c'est depuis cette époque qu'Heuqueville porte la moustache car pendant les attentes qui duraient souvent très longtemps en plein hiver, le nez coulait et les petits glaçons qui se formaient étaient très désagréables, aussi la moustache faisait écran ! Et depuis la moustache est toujours là...

Peu à peu le trial devient un sport à part entière : en 1955, Motobécane, Peugeot et Gnome & Rhône construisent de nouveaux des motos et pour leur publicité, le trial est intéressant, car il déplace les foules. Heuqueville obtient avec l'aide de Gustave Bernard une 200 Gnome & Rhône de l'armée pour faire un enduro : le circuit de l'Armistice, puis le trial de Buc, avec de bons résultats. L'usine lui confiera une moto avec suspension oscillante qui lui permettra enfin de faire des premières places.

Heuqueville tâte ensuite du moto-cross

"Après cette réussite, je tape à toute les portes chez Gnome & Rhône pour avoir la possibilité de tenter le championnat d'Europe 250 avec cette 200 trial qui roule si bien. Son moteur est parfait de solidité et de rendement en compétition, avec un entretien minimum. Nous voici donc partant pour Genève. J'ai emmené avec moi un certain Charles Krajka qui a vingt ans et qui aime beaucoup la moto, qui me servira un peu de mécène, car comme d'habitude, rien n'est payé. Malgré un terrain qui se nomme "Circuit du Bout du Monde", ce qui veut tout dire, ma petite 200 se comporte très bien face aux super 250 NSU qui sont plus puissantes mais plus lourdes. Je me qualifie pour la manche française à Montreuil et une place de 5ème est la bienvenue à l'usine. Mais il va falloir arrêter le cross car le Bol d'Or arrive...

Anecdote au milieu de dizaines d'autres : deux clients de mon magasin m'ont accompagné sur un terrain de cross normand, se proposant de m'aider en cas de besoin. Je prends le départ de la 1ère manche. Après quelques tours, je crève, les deux compères me réparent ma crevaison. Je prends le départ de la 2ème manche : crevé ! Je rentre au parc des coureurs pour réparer une autre fois, mais les démonte-pneus ont disparu. J'emprunte un autre jeu, je démonte et surprise, les démonte-pneus sont à l'intérieur entre le pneu et la chambre à air !!! Je n'ai jamais pu savoir ce que mes mécaniciens bénévoles avaient consommé au repas de midi...

Une 175 en grass-track

Cette spécialité motocycliste pratiquée chez nos amis Anglais n'est pas très répandue dans le reste de l'Europe. Cependant, il existe un bastion remarquable dans le midi de la France et le Sud-Ouest en particulier, plus précisément Marmande dans le Lot-&-Garonne. C'est certainement un lieu où le grass-track fait partie des sports les plus pratiqués. Un jeune pilote, Michel Visade, remporte de nombreuses premières ou deuxièmes places lors des différentes compétitions auxquelles il participe. Pour la saison 1955, il met au point une 175 Gnome & Rhône dont la partie cycle est assez modifiée. Les tubes du cadre sont de forme effilée : ils sont confectionnés avec de la tôle de 1,5 mm, travaillée à la main, les deux côtés étant assemblés par soudure. La suspension arrière est du type oscillant avec amortisseur caoutchouc travaillant à la traction, et également avec amortisseurs à friction, lesquels guident la suspension, empêchant tout jeu latéral. La fourche est formée de 2 tubes coulissants. Des caoutchoucs placés tout en haut servent de suspension et réagissent tout comme la suspension arrière : deux silentblocs sont placés dans le bas pour servir au besoin de butoir lors les retours de fourche. Le moteur est le L53 sans modification, sinon que le carburateur utilisé est un Dell'Orto de 28 mm de passage de gaz. Le poids de la machine sans carburant est de 60 kg.

Le moto-ball

Le moto-ball prend naissance dans notre pays vers 1929. De nombreux pays forment des équipes vers la fin des années 50, et c'est le boom du moto-ball en France. Il y a aussi des rencontres internationales, d'ailleurs surtout européennes car ce sport s'est sérieusement implanté en Allemagne, en Angleterre, en Belgique et en Hollande. Il a également fait des adeptes en Bulgarie, Pologne, URSS et en Yougoslavie, ainsi qu'en Espagne et en Suède. Ce sport, dont les règles sont celles du football sauf que le hors-jeu n'existe pas à cause de la vitesse des machines, possède son Championnat et sa Coupe de France.

Les constructeurs sont amenés à mettre au point des machines spécialement conçues pour le moto-ball comme Nougier, Monet-Goyon et Gnome & Rhône. La cylindrée limite autorisée par le règlement est de 250 cm3, et la version proposée par Gnome & Rhône est dérivée de la 200 Trial. Afin d'améliorer les accélérations et les reprises, le moteur est gonflé, en particulier par l'adoption d'un carburateur de 27 mm au lieu de 25,4 et d'un taux de compression de 9,53 à 1 (marche à l'essence-benzol) au lieu de 7 à 1. La puissance est accrue de près de 30% par rapport à la 200 de série, soit presque 15 ch au lieu de 12, ce qui donne 70 ch/l. Cet accroissement de puissance est surtout dû à un gain sur le couple et non sur une augmentation du régime. L'échappement trial est conservé, par contre la boîte de vitesses, commandée au guidon par 2 poignées, est à 2 rapports seulement (en fait les rapports de 1ère et 2ème de la machine de série). La partie-cycle est la même que celle des machines de série. La suspension arrière reste coulissante, plus justifiée ici en raison de sa grande rigidité latérale. A l'avant, fourche spéciale avec cache-poussières en caoutchouc et goussets de renfort. Comme sur toutes les machines de moto-ball, la commande de frein arrière se fait par une pédale à droite et une pédale à gauche. Le réservoir ne contient que 7 litres, permettant ainsi un meilleur brassage. Pas de garde-boue à l'avant, et il est réduit à sa plus simple expression à l'arrière. Cette machine est homologuée par l'Union Française des Clubs de Moto-Ball.

LX200 Armée

La LX200 donnera naissance à une version militaire. En effet, l’Armée, en quête de motos légères pouvant circuler sur tout type de terrains afin de remplir le rôle de liaison, ne reste pas indifférente à la présentation de la LX200 et à ses prouesses. Le cahier des charges de l’autorité militaire est donc adapté à la LX200 pour donner naissance à une version militaire, "LX 200 Armée".

Seules de légères modifications seront nécessaires : gros réservoir, robinet-filtre, allumage blindé, selle mono, sacoche cuir,... et une seyante robe vert armée ! Elles existeront également en gris "Dove Grey", une sorte de gris pigeon employé sur les Ford Vedette.

Le poids à vide tous pleins faits atteint 125 kg et autorise une charge utile de 200 kg. La chaîne primaire est renforcée (duplex), l’échappement est surélevé ainsi que la prise d’air et le reniflard de boîte qui remontent sous la selle, permettant à la machine de franchir des gués de 500 mm. En effet, le carburateur est équipé d'un gros filtre à air Técalémit circulaire, à bain d'huile, surmonté de part et d'autre de deux prises d'air qui n'ont pas tardé à être surnommées "oreilles de Mickey". La garde au sol est de 180 mm.

La LX 200 Armée jouit d’une bonne réputation de maniabilité et de robustesse. Les machines sont livrées à partir de 1957. Elles seront utilisées jusqu'au début des années 70 et certains lecteurs auront peut-être eu le plaisir (quoique…) d'en utiliser lors de leur Service National (d'ailleurs appelé lui aussi à devenir une pièce de collection…).

Les nouveaux blocs quatre vitesses et la compétition

Gnome & Rhône réaffirme sa croyance en la compétition. Christophe Topall, chargé des relations avec la presse, s'occupe du service compétition de la marque, à Gennevilliers.

Depuis maintenant de nombreuses années, Gnome & Rhône produit des machines équipée de moteurs deux-temps. Il semble nécessaire d'en prouver la valeur lors de compétitions afin d'attirer un peu plus la clientèle. Il s'agit d'un très bon argument publicitaire, surtout pour les épreuves réservées aux machines de série. Là, il n'y a plus de discussion possible. En course, les machines, face à la concurrence, sont obligées de donner le maximum. La compétition reste le meilleur des bancs d'essais. De nombreux coureurs feront parler d'eux sous les couleurs Gnome : Descoureaux, Baptiste, Bourguin, Heuqueville, Court, Dagan et bien d'autres encore.

Michel Baptiste, dont l'oncle travaille à la fabrication des motos à la Snecma, est poussé par celui-ci pour participer aux courses régionales. Toutefois il est bien jeune et il faut parfois tricher sur sa véritable date de naissance pour qu'il puisse s'inscrire au départ.

Bourguin, aidé de Guillemot, s'intéresse de près au gonflage des deux-temps. Leurs premiers essais sont réalisés sur des moteurs R3 et R4, à titre personnel. Le souci de fiabilité chez ces deux techniciens formés avant-guerre oriente leurs recherches sur des techniques classiques : il n'y aura quasiment pas d'essais sur le balayage Schnürle ou les culasses à chambres déportées. Ils expérimentent tout de même des cylindres en aluminium coulé qui sont chromés durs en Allemagne, mais les gains escomptés ne sont pas au rendez-vous. Au niveau du refroidissement, les ailettes de la culasse ne sont pas dans l'axe de la machine, mais inclinées, afin de canaliser l'air de refroidissement, à l'instar des procédés Maucourant et à la suite d'essais en soufflerie.

Les essais sont effectués sur des bases de moteurs L53. Le jeu cylindre/piston est réduit au minimum par l'emploi de pistons KS (Karl Schmidt) : il est de l'ordre de 7/100ème. L'embiellage est équipé de plateaux, réduisant légèrement les espaces morts. Les gros problèmes de mise au point sont d'accorder l'échappement avec l'admission relativement à la section d'admission et la longueur du dispositif d'échappement. Il faut surtout créer une contre-pression à l'échappement pour arriver au rendement maximum.

La compression obtenue avec ce moteur est de 9 à 1, donnant une puissance approximative de 15 ch à 7 500 tr/mn pour les courses de vitesse, et la même puissance, mais avec un régime de 5 500 tr/mn, pour les courses d'endurance. Le carburateur est un Dell'Orto SSI de 30 à cuve séparée, et l'embrayage est modifié pour absorber le surplus de puissance. Les premières machines course montées avec un tel moteur sont réalisées sur la base des cadres de série à coulisseaux.

Après une timide prise de contact en 1955 où une 175 sort première du Critérium National, 1956 sera l'apothéose, l'usine ayant décidé de miser pleinement sur la compétition : 2 heures de Montlhéry, Critérium National, course de côte de Laffrey, Bol d'Or, côte Lapize.

L'usine propose des 175 équipées de série avec le moteur course : ces modèles sont montés sur jantes Reinhardt & Chapuiset. Le frein avant est un Saperli course. Des garde-boue alu effilés et un guidon bracelet viennent compléter la machine. Le carburateur est toujours le Dell'Orto SSI, l'échappement est assuré par un pot de détente. Il est également possible de se procurer uniquement l'ensemble moteur compétition équipé de son carburateur et de son échappement, afin de le monter dans la partie-cycle de son choix.

Les deux heures de Montlhéry 1955 comme si vous y étiez, avec Court et Heuqueville

Ce reportage est extrait de la revue Snecma.

"... En fait, bien peu des spectateurs qui se pressent le long d'un circuit, sont à même de juger la valeur réelle des performances réalisées par les machines en présence. Dans leur esprit, seul le vainqueur trouve audience, et ils ont raison : une victoire doit être absolue. Pourtant, il faut savoir que, dans le domaine de la compétition, coexistent deux formules :

-- la première, adoptée par des marques spécialisées, consiste à utiliser au maximum les ressources de la technique pour élaborer des mécaniques spécialement conçues pour la course. De ces prototypes, issus de recherches coûteuses, dériveront plus tard, avec les modifications nécessaires à leur rôle futur, les machines "Grand Sport" ou " Sport" destinées à une clientèle sportive.

-- la seconde formule consiste, à partir d'un moteur de série, à en augmenter la puissance tout en conservant les organes mécaniques d'origine, et à le lancer en course afin de démontrer la valeur de la conception d'origine. Une machine de ce genre peut difficilement prétendre rivaliser avec un "racer" de compétition, mais ses performances doivent retenir d'autant plus l'attention qu'elles chiffrent le coefficient de sécurité de la construction de série. La 175 Gnome & Rhône, qui se classa deuxième des machines françaises aux "Deux Heures" de Montlhéry, répondait à cette seconde formule.

Toutes les pièces en mouvement avaient à transmettre une puissance supérieure de 50% à celle d'origine, puisque se chiffrant à 15 ch à 7 500 tr/mn ; que les deux machines engagées aient terminé seconde et troisième des machines françaises, à la moyenne respective de 103 et 100 km/h environ, démontre nettement la valeur du moteur de série.

Réaliser et mettre au point une motocyclette de course nécessite un travail minutieux de la part du metteur au point et des mécaniciens, mais leur rôle s'arrête quand le pilote enfourche la machine, et endosse la délicate responsabilité de tirer le maximum de sa mécanique, en évitant, dans la mesure du possible, la casse. Il s'agit d'avoir de l'oreille, de "sentir" le moteur, afin de le mener avec l'indispensable doigté jusqu'à l'arrivée.

Les numéros sont peints Le plein est fait

Si vous le voulez bien, rendons-nous ensemble sur la ligne de départ.

Le moteur a été précédemment amené à température, au point fixe, à 4.000 tr/mn environ, avec une bougie chaude. Après montage d'une bougie froide, la machine prend place sur la ligne, robinets d'essence fermés pour éviter de noyer le moteur. Avant que le starter n'égrène les rituelles secondes, nous enclenchons la deuxième (la mise en route est plus facile, la roue AR risquant moins de glisser au passage de la compression), ouvrons les robinets, et poussons fort sur la machine en serrant à bloc le frein avant. De cette façon, au signal "PARTEZ ", il n'y a qu'à relâcher le frein, et la motocyclette se trouve lancée plus rapidement.

Le signal a retenti ! Quelques pas de course, un coup de poitrine sur le réservoir pour charger la roue au moment où l'on embraye, et un petit peu de gaz pour éviter d'engorger la bougie... C'est toujours l'instant inquiétant, le "suspense" pendant lequel on se demande si le moteur va partir ! Quelques explosions... qu'il faut entendre parmi le vacarme assourdissant des échappements environnants, encore quelques foulées pour augmenter le régime, et un coup de débrayage tandis que l'on saute sur la selle tout en ouvrant à fond la poignée tournante. La course est commencée...

Pilote et machine sont fin prêts pour le départ

Bien à plat sur la machine, les coudes serrés le long du réservoir et les genoux collés à la selle, afin de diminuer au maximum le maître-couple, nous entamons la longue ligne droite qui nous amènera au premier virage ; la bretelle de Couard. Nous sommes partis en seconde position, mais déjà les adversaires plus rapides, repérés à l'entraînement, nous dépassent. Laissons-les filer, la course dure deux heures, et le premier tour sera pour nous un tour d'observation qui servira également à chauffer le moteur.

Les essais ont révélé qu'en plusieurs points du parcours, le régime atteignait 8 500 tr/mn, valeur critique pour le graissage du piston. Les circonstances atmosphériques ayant changé, il reste à vérifier si nos précédentes observations restent valables. En sortie de la courbe Ascari, l'aiguille du compte-tours indique 8.500 ; il faudra donc rendre légèrement la main, d'autant plus que le virage de la Ferme, qui fait suite, nécessite un temps de freinage, pendant lequel le boisseau de carburateur, fermé, supprime tout apport d'huile fraîche. Peu après la Ferme, l'épingle du Fay : entre-temps, les 8.000 tr/mn ne sont pas atteints, sinon sur les intermédiaires. Après le Fay, vient la longue portion du circuit comprenant une partie de l'anneau de vitesse, où le moteur est sollicité au maximum. En abordant l'anneau, les 8.500 tr/mn sont à nouveau effleurés, d'où nécessité de couper légèrement, pour ouvrir ensuite à fond, bien avant les tribunes, afin d'attaquer au maxi la légère pente qui fait suite au goulet marquant le début du circuit routier. Le compte-tours se maintient ensuite jusqu'à Couard, à 7 500 tr/mn.

Cette façon d'opérer caractérisera la conduite prudente, en attendant les attaques des adversaires qui remonteront à notre hauteur. Il y en aura peu, les positions, sur ce parcours très rapide, étant rapidement établies en fonction de la vitesse de pointe des machines. Ceci nous permettra, sachant qu'il n'y a rien à faire contre les pilotes plus rapides qui nous ont passés dans les premiers tours, de ménager au maximum l'embrayage, la boîte de vitesses et la transmission primaire, en freinant tôt et en rétrogradant le plus tard possible, de façon à éviter le surrégime et les à-coups violents.

Plusieurs tours seront cependant couverts en tirant le maximum du moteur, notamment après le ravitaillement, pour rattraper le temps perdu.

L'arrivée marquera, pour le pilote, la fin de son rôle, car à nouveau les techniciens reprendront leur place, pour ausculter et autopsier la mécanique, afin de déceler les points faibles qui auraient pu se manifester. Travail obscur, délicat et acharné, que cache la grande scène sportive ou évolue le pilote, et que concrétise souvent une performance perdue dans le flot des résultats."

Les modèles économiques : L5 et R5

Toujours dérivées des modèles L53, l'usine présente au Salon 1955 deux versions économiques en 125 et 175 cm3.

Tout d'abord une 125 cm3 à 4 vitesses au pied : il s'agit de la R5. Ce modèle de base retrouve la fourche et le réservoir des 3 vitesses type R4. Ceci n’est pas un hasard, il reste tellement de pièces R4 comme nous l’avons vu plus haut, que la tentation est grande de les utiliser tout en produisant une machine très rentable pour l’usine.

Gnome & Rhône R5

Une version dite "R5 Spécial" est également disponible : elle retrouve la même présentation et les mêmes couleurs que le modèle de base, émail noir ou gris clair et filets de couleur, mais nous trouvons sur ce modèle des moyeux Saperli à freinage central. L'éclairage ainsi que l'avertisseur sont montés sur batterie pour les deux versions. Pour compléter cette brochette de 125, et pour qu'il y en ait pour tous les goûts, vont suivre une version dite R5 Grand Luxe qui, par rapport au modèle de base R5, reprend la fourche télescopique, le réservoir, les roues et les coloris de la L53 : émail noir, vert réséda ou bordeaux, chromes et filets de couleur. Il a été construit une série de cette machine destinée à l'Administration des Postes, dénommée type "R5 Grand Luxe PTT".

La R5 existe en deux modèles carénés, la R5 Carénée et la R5 Grand Luxe Carénée. Les caractéristiques restent les mêmes que les modèles R5 et R5 Grand Luxe, mais avec carénage spécial dans les mêmes gammes de couleur. Seul le réservoir ne change pas sur toutes les versions carénées, il s'agit toujours du Mottaz des premières versions R4, avec enjoliveur aluminium sur le dessus.

En 175 cm3 économiques, les deux versions L5 et L5 Carénée sont semblables aux L53 et LC531, mais équipées de fourches et réservoirs type R4.


Gnome & Rhône 125 R5 carénée

A noter qu'au Bol d'Or 1956, une 175 L5 remporte la première place dans la catégorie "série" à la moyenne de 80 km/h sur 24 h.

La compétition continue avec le Bol d'Or 1956

Gnome & Rhône présente une partie cycle avec bras oscillant, équipée d'amortisseurs hydrauliques Irish. Le réservoir repose sur des blocs de caoutchouc et un jeu de tendeurs le maintient en place. Les repose-pieds et les commandes sont reculées.

La boîte de vitesses du type course possède une première longue à 50 %. Le volant magnétique est celui de la série, seul le condensateur est monté à l'extérieur pour des raisons d'accessibilité et de refroidissement.

Gnome & Rhône engage plusieurs machines au Bol d'Or 56 :

Maucourant-Lorin n°65 sur 175 série.
Rivard-Augris n°66 sur 175 série.
Descoureaux-Pobu n°42 sur 175 course
Heuqueville-Gomes n°41 sur 175 course
Court-Dagan n°40 sur 175 course carénée

Descoureaux en course

Gnome & Rhône réussit des prouesses lors de ce 28ème Bol d'Or et établit le record de distance pour la catégorie 175, soit 2 298,766 km à la moyenne de 95,782 km/h.

La marque remporte en plus une belle victoire d'équipe avec 5 machines au départ comme à l'arrivée, une première place en catégorie série et une première place en catégorie 175 course avec l'équipage Court - Dagan. La deuxième place ira à l'Alcyon de Rouger-Guignabodet : quant à la 3ème place, c'est encore une Gnome & Rhône avec Heuqueville-Gomes et juste derrière, c'est l'équipage Descoureaux-Pobu.

Les deux Gnome & Rhône restantes concouraient dans la catégorie "série" et complètent brillamment le palmarès de l'usine avec Rivard-Augris et Maucourant-Lorin.

Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître pour Gnome & Rhône. De plus, l'usine décroche le "Trophée de la Qualité Française". Cette récompense est née dans les bureaux de la F.F.M. afin d'apporter une aide au sport motocycliste et plus particulièrement au Bol d'Or, cette épreuve française classique qui devient de plus en plus internationale. Pour la catégorie 175 cm3, la F.F.M. a décidé de l'attribuer à la marque qui remportera l'épreuve. Ce fut Gnome & Rhône qui l'emporta et désormais cette distinction honorifique ornera sous forme de décalcomanie tous les modèles de série sortant de l'usine.

Le carénage de la machine gagnante est réalisé en aluminium. Deux prises d'air amènent l'air de refroidissement sur la culasse et le cylindre, et ces prises d'air se terminent même par un capotage qui englobe totalement cylindre et culasse, sauf sur la partie arrière. Deux petits orifices à l'avant du carénage servent au refroidissement du frein avant Saperli.

Le moteur donne 15 ch à 7 500 tr/mn, l'embiellage tournant sur 3 roulements à rouleaux à la tête de bielle, avec roulement à aiguilles au pied. La boîte de vitesses est du type "compétition", avec les rapports suivants : 4ème à 100%, 3ème à 90%, 2ème à 75%, 1ère à 50%. Aux essais sur l'anneau de Montlhéry, la 175 est chronométrée à plus de 145 km/h.

Seul souci pour Court-Dagan au cours de ces 24 h : au début de la nuit, une bougie encrassée leur fait perdre la tête de la course au profit de l'Alcyon de Rouger-Guignabodet, alors que l'autre Alcyon de Nebout-Cherrier souffre de serrages répétés. Chez Ydral, c'est la désolation : la machine d'Agache-Thiers abandonne à la fin de la 1ère heure sur vilebrequin cassé. Chez Peugeot, c'est le même lot : vilebrequin également cassé pour Bouin-Goll.

Heuqueville évoque les à-côtés de ce Bol d'Or 1956 vécu de l'intérieur

La Vitesse :

"Parlons d'abord de la vitesse pure. Les motos sont rares, quelques-unes d'avant-guerre, les autres sont faites à partir de bonnes routières, mais ce qui manque le plus, ce sont les circuits en bon état. Il reste Montlhéry (sur lequel les Allemands ont cependant roulé avec leurs véhicules militaires, des chars entre autres). Des petits circuits, Bourges, Moulins, et ceux du sud, moins abîmés : Albi, Bordeaux, Monaco. Mais les déplacements pour atteindre ces endroits sont périlleux, car les voitures ne sont pas fiables...

Les meilleures machines sont anglaises, allemandes et surtout italiennes. L'Italie a très vite repris la mise au point et la fabrication de très bonnes motos de course. L'essai de Gnome & Rhône a été bénéfique d'abord en réussissant les 2 heures à Montlhéry qualificatifs pour le Bol, puis le Bol lui-même. Malheureusement, la crise de Suez puis la guerre d'Algérie ont tout stoppé, et les Japonais sont arrivés..."

L'Endurance :

"Il y a bien sûr le Bol 56. Quelques marques françaises s'y préparent et prêtent des motos à certains pilotes qui sont choisis par elles. Mais il n'est absolument pas question d'argent, les pilotes sont souvent des vendeurs de la marque ou des journalistes, mais tous intéressés à la réussite de la marque. Quant aux privés, tous très nombreux, ils courent uniquement pour le plaisir et à leur frais pour l'engagement, l'assurance, l'intendance, ce qui fait que très souvent l'épouse et les copains étaient sollicités."

L'assistance de l'équipe Gnome & Rhône au Bol d'Or !

"Les stands sont de simples niches de ciment humides, froides et ouvertes à tous les vents, et trop petites pour accueillir mécaniciens, chronos etc... Il fallait toujours une annexe dans un camion ou une camionnette. Le ravitaillement d'essence se faisait avec un jerricane que l'on allait remplir aux camions-citernes stationnés derrière les stands (au diable la sécurité). Aucun éclairage pour la nuit, sauf une petite ampoule dans chaque "niche". Les pointeurs avaient bien du mal à repérer leur coureur dans le noir ! Les motos n'ont que l'éclairage avant et arrière, si bien qu'une année j'ai adopté une combinaison blanche passée sur mon cuir, ce qui permettait de me voir au passage de la ligne des stands.

A l'arrivée, au bout de 24 h, certains participants repartaient par la route avec leur moto !

J'ai aussi vu un concurrent casser un levier de frein dans une chute, aller sur le parking des visiteurs situé derrière les stands et prendre un levier sur la moto d'un brave spectateur, qui s'est retrouvé sans levier mais avec un papier indiquant le nom et l'adresse de l'emprunteur...

Le circuit de Montlhéry se trouve dans les bois, et le Bol, au mois de juin, permettait tous les ans de faire une ample cueillette de délicieuses fraises des bois, c'est inattendu n'est-ce pas ?

Sur 24 h, c'est incroyable le nombre de choses qui peuvent se passer. Chez Gnome, la casse des supports de selles doubles oblige, pour les réparer, de couper les longs manches de fer plat des clés à bougie (très longs à cause des culasses Maucourant), afin de les souder sur la selle. J'ai vu aussi nos mécaniciens aider les Tchèques de Jawa, aux prises avec des boîtes de vitesses qui rendaient l'âme les unes après les autres. Mais aussi, en dehors de la mécanique, chez Gnome, le reste a suivi. Mon épouse a eu carte blanche pour ce qui concerne le ravitaillement liquide et solide, et c'est avec plaisir que nous avons mangé une soupe à l'oignon vers 4 ou 5 heures du matin, quand le brouillard froid arrive sur le circuit. Tout cela faisait partie du folklore de la course.

Puis quelques semaines plus tard, les organisateurs nous invitaient à une grande réunion pour remettre à tous ceux qui avaient fini un magnifique diplôme attestant de l'exploit ! Quelques coupes à ceux qui ont fait 1er de leur catégorie et chacun rentre chez lui jusqu'à l'année suivante, avec l'espoir de revenir pour encore une fois simplement terminer."

Les Gnome & Rhône participent à diverses courses nationales en 1957/58

Au circuit de Provins 1957, Descoureaux particulièrement rapide termine 3ème devant la Liberia et la MV de Passeru, mais derrière le très rapide Agache sur une Liberia-Ydral et Bonval sur Morini.

Pour l’ensemble de la saison 1958, Descoureaux termine 2ème en catégorie 175 National, derrière Couturier sur Morini.

Le temps des protos

Plusieurs prototypes intéressants ne virent jamais le jour chez Gnome & Rhône après-guerre. En 1955, Guillemot et Bourguin dessinent un flat-twin 250 cm3 deux-temps à balayage "Schnürle" muni d'un distributeur rotatif à boisseau tournant. Sur ce bicylindre à plat les pistons montent et descendent en même temps et l'explosion est simultanée afin de bénéficier des pressions et dépressions dans le carter, nécessaires au fonctionnement d'un deux-temps. Ce moteur était étudié pour fonctionner avec les pièces cylindre / piston / culasse du R4C, ce qui donnait à l'ensemble une cylindrée de 247 cm3.

Paul Bourguin estimait la puissance de ce moteur entre 12 et 15 chevaux. Le boisseau rotatif est situé au-dessus du carter moteur et commandé par chaîne. Le vilebrequin tourne sur deux roulements à billes, celui de l'arrière étant de fort diamètre. A l'avant du vilebrequin se trouve le volant magnétique, et à l'arrière est boulonnée la cloche d'embrayage de type monodisque à sec. La boîte est à 4 vitesses commandées par sélecteur au pied, et le kick-starter est perpendiculaire comme sur les flat-twin d'avant-guerre.

Il était prévu d'équiper ce type de moteur d'une marche arrière, au cas où la vague de la voiturette aurait amené Gnome & Rhône à en construire une équipée de ce moteur. La transmission finale, qui aurait dû être à cardan, a été confiée à une chaîne après rotation à 90° de la transmission par le truchement de deux pignons coniques, comme déjà réalisé sur l'ABC. Ce choix s'explique par le fait que la partie cycle destinée à recevoir ce moteur devait également pouvoir être équipée des moteurs 125, 175 et 200, qui étant de conception classique, avaient une transmission secondaire par chaîne.

Enfin, dernier point particulier, Gabriel Voisin avait prévu pour ce moteur un graissage séparé. L'avantage de ce système était de permettre une lubrification sous pression des paliers de vilebrequin, têtes et pieds de bielles et axe de pistons proportionnellement à l'ouverture des gaz, en utilisant la dépression régnant dans le carter.

Pour les mêmes raisons d'ordre politique et commercial que nous avons déjà évoquées, ce moteur ne devait rester qu'à l'état de dessin. Aucun prototype n'a été réalisé.

Toujours à la même époque, en 1955, Gnome & Rhône développe un projet de cadre en tôle emboutie à fourche "Earles". Cette partie-cycle devait pouvoir recevoir indifféremment les moteurs 4 vitesses 125, 175 ou 200 cm3 et même une version avec le flat-twin 250 deux-temps. Un prototype fut réalisé et équipé du bloc 175 à 4 vitesses, et subit de nombreux essais, mais il restera le seul qui ait été construit, le déclin de l'industrie motocycliste ne permettant pas de lancer la série. Ce prototype aurait été récupéré dans les caves de l'usine Kellermann après sa fermeture et utilisé quelques temps avant d'être ferraillé...


Prototype du projet cadre en tôle des années 50

Le choix de la coque en tôle emboutie n'est pas un hasard, c'est la mode au milieu des années 50 comme chez AGF, Derny (voir le "Taon")..., et dans le cas d'une production en grande série le gain est intéressant malgré l'investissement en outillage très coûteux. La construction en grand nombre fait considérablement baisser le prix par rapport au cadre en tubes. Dans le cas présent, la partie-cycle était prévue pour 4 motorisations, donc rentable à construire : il suffisait de changer un seul élément, à savoir le tube réunissant le bas de la colonne de direction à la partie avant du moteur. La suspension arrière était oscillante, et la chaîne de transmission sous carter étanche. L'ancien sigle de la marque des années 30 avait repris place sur le cadre. Dommage que tout soit resté dans un placard !

Nécessité de créer une sous-marque

Fin 1954, vu l’évolution du marché, la politique de Gnome & Rhône débouche sur la création d’une filiale chargée d’exploiter une sous-marque, en l'occurrence baptisée Motavia pour rappeler son héritage motocycliste et aéronautique. Elle est destinée à vendre, outre une partie des fabrications Gnome & Rhône, des cyclomoteurs, vélomoteurs et motocycles d’autres marques en vue de toucher une clientèle étendue, susceptible d’intéresser des agents de Gnome & Rhône et de Motavia.

En effet, parmi les grands constructeurs français, seul Gnome & Rhône ne possédait pas de sous-marque ; Motobécane avait lancé Motoconfort dès les années 20, Terrot s'était ensuite uni avec Magnat-Debon, Monet-Goyon avec Koehler-Escoffier, puis Peugeot rachetait Griffon, Alcyon et bien d'autres.

Afin d'étendre la gamme Gnome & Rhône aux machines de petite et moyenne cylindrée, les usines de la marque étant saturées, il fallut faire appel à d'autres constructeurs, et utiliser des véhicules déjà conçus dans les gammes de cyclomoteurs de 50 à 100 cm3. Cela afin d'offrir à la clientèle une gamme complète de machines et l'empêcher d'aller se servir chez la concurrence. L'autre avantage des sous-marques est de vendre des motos Gnome & Rhône sous une autre marque, tout en laissant l'exclusivité d'une marque à un agent. Ce qui fait que dans une même ville il pouvait exister un agent de chaque sous-marque, chacun ayant une exclusivité... Dernier avantage, il est ainsi possible à la Snecma de choisir son agent et l'emplacement de sa boutique.

Les cyclomoteurs seront commercialisés sous les marques Motavia ou Motavit

Un accord est ainsi passé avec Monet-Goyon, la Snecma s’engageant à prendre livraison de 2 000 Motavia M2TV (c'est-à-dire le modèle 100 cm3 à deux vitesses construit à Saint-Etienne par "L'Industrielle du Centre", dont le siège social est au 61, avenue de Rochetaillée aux anciennes usines Automoto) entre décembre 1954 et octobre 1955. Les caractéristiques de cette machine et la gamme des cyclomoteurs sont développées plus loin.

Début 55, le contexte général de la profession ne s’améliore pas, bien au contraire. Gnome & Rhône n'échappe pas à la règle, d'autant plus que l'effort est désormais clairement mis sur la motorisation aéronautique, qui est un secteur autrement plus important pour la société. Néanmoins, dans le but de trouver une solution à la situation difficile de la moto, le département continue ses contacts avec d'autres maisons en vue d’une collaboration de fabrication, les uns apportant les cadres et les accessoires et la Snecma les moteurs. C'est alors que Follis, constructeur de talent qui cherchait justement à se développer, fut choisi en 1955 pour fabriquer l'ensemble des autres modèles de cyclomoteurs autres que le M2TV Automoto, ainsi d'ailleurs que les motos Gnome & Rhône à bras oscillant telles que les R4D et R4S, et des modèles comme les 125 cm3 R4F et R4F1. Tous ces modèles sont détaillés plus loin.

XI. UN PARTENAIRE ESSENTIEL : FOLLIS

La maison Follis, du nom de son créateur, est fondée de l’autre côté des Alpes dans le village d’Alpignano près de Turin. Joseph Follis, ouvrier chez FIAT au service vélo, fonde dans les années 1910 sa propre affaire à Alpignano : il s’agit dans un premier temps d’une serrurerie, puis il fabrique des bicyclettes sous sa propre marque, Follis. Durant les années 20, les Italiens traversent en grand nombre la frontière pour venir s’installer dans les départements proches de l’Italie. La famille Follis s’installe alors à Lyon, et sous l’impulsion de François, la fabrication de vélos reprend de plus belle. Les établissements Follis sont installés du 10 au 16 de la rue Danton à Lyon. Tout de suite après la guerre, la marque se laisse séduire par l’aventure motocycliste. Les bâtiments de la rue Danton deviennent vite trop petits et une nouvelle usine est construite à Craponne en banlieue lyonnaise. Cette nouvelle unité sera plus orientée vers la construction moto, alors que les vélos resteront rue Danton. Au plus fort des années 50, l’usine de Craponne emploie jusqu’à 250 ouvriers, le sommet étant atteint avec 100 véhicules par jour.

Les frères Follis, François et Marcel, ont donc réussi leur reconversion. Joseph, fils de François, est dessinateur des modèles de 1953 à 1956 avant de partir en Algérie. C'est lui qui dessinera l'ensemble des motos Gnome & Rhône construites chez Follis, par exemple les R4D, R4F et R4S. Elles sortiront aussi sous la marque Follis, toujours équipées d'un moteur Gnome, mais avec une dénomination différente.

XI. LES CYCLOMOTEURS : Gnome & Rhône, Motavia, Motavit

On a vu que Gnome & Rhône souhaitait pénétrer le marché du cyclomoteur, est c'est donc sous les marques Motavia et Motavit que ces petites cylindrées seront commercialisées.

Intéressons-nous d'abord au seul de ces cyclomoteurs qui ne doive rien à Follis, mais qui appartient au groupe Monet-Goyon. En effet, le Motavia 2 TV disponible début 1955 n'est autre que le vélomoteur 100 Automoto type 2T à deux vitesses. Ce genre de véhicule établit une heureuse liaison entre le cyclomoteur et la petite moto : nettement plus puissant qu'un cyclo, il ne possède pas le caractère des 125 cm3 et de ce fait le prix de vente reste très intéressant.

Le bloc-moteur est un Villiers construit en France sous licence. C'est un moteur peu poussé, comme d'ailleurs la plupart des Villiers : mais s'il ne brille pas par sa puissance, il procure par contre une conduite souple. Il est à piston plat, son régime maximum est de 4 400 tr/mn, la boîte est à deux rapports par poignée tournante et le démarrage s'effectue par kick-starter. Ce véhicule est plus particulièrement destiné à la conduite en ville, mais ne fait pas piètre figure sur route : l'allure soutenue en croisière est de 50 km/h, tandis qu'en position normale le maximum se situe à 60 km/h. La machine possède une bonne tenue de route, la fourche télescopique, bien raide latéralement, donne un certain confort et une direction précise. L'absence de suspension arrière ne se fait nullement sentir.

Ce véhicule sera vendu sous les marques Automoto, Motavia, Monet-Goyon, Koehler-Escoffier, Terrot, Magnat-Debon...

L'arrivée des cyclomoteurs Follis

Des modèles Follis C3 et C12B sont dérivés les Motavia Standard et Luxe.

D'autres variantes des modèles Follis C3, C13 et C18 donnent naissance aux modèles Motavit GR L4, Motavit GR L5 et Motavia "Série". Pour ces trois versions, le cadre du Follis C13 est conservé, alors que les autres éléments sont d'origine Follis C3, C13 ou C18. Le type GR l4 est disponible en gris deux tons, alors que la version GR l5 existe en une finition supplémentaire, à savoir rouge et gris.

Le modèle Follis C14 donne quant à lui naissance au Motavia "Suspension Oscillante"

Le modèle Follis C19 donne naissance aux versions Motavia GR L6 et Motavit GR L6. Le cadre-poutre présente une grande rigidité, et la suspension arrière oscillante à grand débattement offre un confort agréable, renforcé par la selle de marque Ceyla. La GR L6 est disponible en émail gris deux tons ou rouge et gris.

Le modèle Follis C18 donne naissance au modèle Motavit "Cadre-Poutre"

Toute la série de machines commercialisées à cette époque sous la marque Gnome & Rhône sort aussi sous la marque Motavia : on trouvera plus loin les correspondances entre les deux marques.

XII. LES DERNIERES ANNEES DE LA MOTO CHEZ GNOME & RHONE

Malgré la situation difficile décrite précédemment, Gnome & Rhône s'efforce avec l'aide de Follis de développer de nouveaux modèles. Une surprise est réservée aux amateurs lors du Salon 1955.

Un nouveau moteur chez Gnome & Rhône

Cette nouvelle mécanique est présentée sur les modèles de nouvelle génération R4D et R4F lors du Salon d'octobre 1955. Avant de décrire les machines, intéressons-nous à ce moteur qui sera décliné en plusieurs versions. Par rapport à la série R4, ces moteurs sont quelque peu modifiés et leur carter en tôle emboutie fait maintenant place à un carter d'une forme très différente, réalisé en alliage léger. La commande des vitesses par sélecteur a disparu pour faire place à une commande par poignée tournante, couplée à la manette d'embrayage. La cylindrée est de 123 cm3, alésage 55 mm et course 52 mm : avec un taux de compression de 6,8 à 1, ce moteur développe la puissance remarquable de 6,2 ch à 5 400 tr/mn. Il délivre un couple constant de 3 500 à 5 000 tr/mn. Ce moteur reçoit un carburateur Zénith 20MX muni d'un imposant filtre à air : il peut aussi être équipé d'un Dell'Orto MA 19B3 ou d'un Gurtner H17 D suivant les versions. Enfin l'allumage est confié à un volant magnétique Magnéto-France, SAFI ou ABG. Le poids de ce moteur est de 19 kg.

Après différents essais, les critiques de la presse sont favorables à ce moteur : il est jugé brillant, souple, relativement silencieux, son bruit est plus agréable que les R4 précédents et quel que soit le régime, les vibrations sont inexistantes. L'embrayage à bain d'huile est parfait et le passage des vitesses se fait sans aucun tâtonnement, rien à voir donc avec les boîtes des blocs 4 vitesses dont la sélection était parfois imprécise.

La consommation est aussi l'un des critères lors de l'élaboration d'une telle mécanique : à 50 km/h, on ne consomme que 1,8 litre pour atteindre 3 litres à 70-75 km/h, ce qui représente la vitesse de croisière de la moto ainsi équipée. A fond, monté sur une R4D, avec le pilote en position effacée et au régime de 6 700 tr/mn, la consommation est légèrement inférieure à 4 litres : il semble donc que les études aient porté leurs fruits.


Un nouveau modèle : la R4D

La grosse nouveauté de ce Salon 55 pour Gnome & Rhône est le nouveau modèle baptisé R4D, élaboré autour du nouveau moteur décrit plus haut : R4 pour 125 cm3 trois vitesses, dans la lignée des R4 ancienne génération, et D par ordre chronologique. Cette machine reçoit la nouvelle motorisation à commande de vitesses par poignée tournante. Enfin et surtout, la partie-cycle est modernisée en adoptant une suspension arrière oscillante : il est temps !!! Cette belle partie-cycle équipée en outre d'une fourche Tiger allemande était d'ailleurs entièrement construite chez Follis à Lyon.

La récente victoire au Bol d'Or avait attiré l'attention sur la marque Gnome & Rhône : il ne fallait donc pas rater le renouveau de la marque, qui vient de reprendre de la vitalité en lançant cette nouvelle machine. Le succès commercial doit être à la hauteur des attentes de la clientèle.

La R4D possède un cadre simple berceau en tubes d'acier assemblés, et la suspension arrière comporte deux petits anneaux Neiman en plus des éléments classiques afin de freiner le retour de la suspension. Cette suspension de qualité contribue à la bonne tenue de route de la machine. La chasse est bien étudiée, ce qui donne une grande maniabilité à ce modèle. Le système de selle réglable a toutefois tendance à talonner. Les freins de 130 mm assurent un freinage jugé bon par temps sec mais peu efficace sous la pluie. Cette moto est très élégante en deux tons, essentiellement rouge grenat et blanc crème.

La R4D évolue au cours de son existence : le cadre est entièrement revu dans sa partie arrière, la moto y gagne beaucoup en finesse. La boîte à outils aussi est redessinée : d'abord triangulaire puis arrondie, elle gagne en volume et s'harmonise mieux avec l'ensemble. Les vitesses sont inversées suivant la version, ainsi que le frein arrière. Il est possible d'obtenir une R4D en selle biplace, ou équipée du guidon sport de la R4S.


De nouvelles sportives dans l'air du temps : les R4S et R4S sport

La R4S est présentée au Salon 56 : il s'agit d'une modification sur base de R4D. Cette machine est aussi construite chez Follis. Elle est équipée de roues de 16 pouces, le garde-boue arrière est plus enveloppant, et elle est munie d'une nouvelle selle monoplace. Il y eut très peu de machine dans cette version, car elle fut aussitôt délaissée au profit de la R4S Sport, au cadre identique à la R4S, dont la partie arrière est constituée d'un seul tube passant au-dessus du garde-boue arrière en guise d'épine dorsale.

La R4S Sport est équipée d'une selle biplace d'une élégante finesse, qui avec le guidon sport donne à la machine cet air typique des motos italiennes que l'on apprécie tant à l'époque.

La taille de cette moto répond en effet à une mode de cette fin des années 50, où l'on apprécie beaucoup ce genre d'esthétique. La R4S n'est pas équipée de la fourche Tiger, au contraire de la R4S Sport. La boîte à outils des R4S et R4S Sport est ronde comme sur la dernière version des R4D. Les couleurs sont soit rouge deux tons, soit comme la R4D, deux couleurs blanc et rouge.

La version 57 de la R4S Sport s'embellit encore : la selle biplace est maintenant beaucoup plus fine, la partie arrière est munie d'un dosseret faisant office de "cale-fesses". Le réservoir a évidemment été étudié pour laisser place aux genoux et aux bras du pilote, et l'ensemble est superbe. Cet habillage est également disponible en option pour les clients voulant équiper ainsi une R4D, beaucoup plus haute sur roues.

La R4S ne pèse que 78 kg, ce qui lui confère une grande maniabilité et des reprises agréables avec une vitesse d'utilisation pouvant atteindre 95 km/h.

La R4F, l'utilitaire de la série

La R4F fait partie de la catégorie des vélomoteurs, elle est construite autour d'un cadre "ouvert" dont la partie arrière est du type rigide, c'est-à-dire sans suspension. La R4F ressemble à un gros cyclomoteur dont les caches en tôle constituent une robe assurant une grande protection pour les vêtements de son pilote. Le moteur du R4F est dérivé du R4D, les seules différences se limitent au cylindre : la pipe d'admission vient de fonderie sur le R4F, et l'échappement est fixé à l'aide d'un filetage. Le carburateur est un Gurtner de 17 mm de passage des gaz. Les trois vitesses se passent au guidon, de marque Amero : la cylindrée est toujours de 125 cm3.

Au salon d'octobre 1956, la R4F est présentée avec suspension arrière, le modèle ainsi équipé étant baptisé R4F1. Les vélomoteurs R4F et R4F1 sont aussi construits chez Follis d'après les modèles V23 et V24 à moteur Sachs, seul le moteur est différent, ainsi que les caches latéraux qui ne se marient qu'au moteur Gnome & Rhône : tout le reste est identique. Follis ne sortira pas de R4F ou R4F1 sous sa propre marque, mais le modèle sortira aussi sous la marque Motavia (Type 9TV).

Tour d’horizon de la production Follis motorisée par Gnome & Rhône

On l'a vu, il existe de nombreuses correspondances entre les deux marques : elles sont précisées ici. Le modèle G26 Sport 125 cm3 reçoit le moteur Gnome & Rhône à trois vitesses, fourche télescopique et suspension arrière. Le modèle G28 Tourisme peut être livré avec moteur Gnome ou Ydral, superculasse et moyeux-freins.

Le modèle G29 ressemble au précédent, mais il comporte en outre des roues à broches, un frein de direction et des amortisseurs hydrauliques. Le modèle G30 Rallye, équipé du moteur Gnome & Rhône ou Ydral, reçoit une fourche avant du type Earles.

Le modèle G33 Grand Tourisme (moteur 125 cm3 Gnome & Rhône 4 vitesses) reçoit une tôlerie latérale de protection complétée par une calandre chromée.

Voici ce qui aurait pu être le scooter Gnome & Rhône, mais qui est resté à l'état de prototype sous la marque Follis.

Prototype Follis S/57

Le modèle M51 Standard possède une fourche télescopique et une suspension arrière ; il peut être motorisé avec le 175 cm3 de chez Gnome & Rhône ou le moteur Ydral 4 vitesses. Le modèle M52 Luxe comporte batterie, moyeux-freins centraux, roues à broche et la fourche télescopique allemande Tiger, avec le moteur Gnome & Rhône ou Ydral 175 cm3.

Follis et la compétition

Joseph Follis construit en 1956 avec le concours de l'ingénieur maison d'origine hongroise, Meriath, une machine de course dont le cadre treillis est remarquable : le moteur bien sûr sera un Gnome & Rhône 175 Course mis au point par Bourguin. Cette machine se fera remarquer au cours des compétition de l'époque, habilement pilotée par Joseph Follis, puis par un autre pilote lyonnais, René Casset.

Outre le cadre treillis, la fourche est du type Earles, les moyeux-freins sont centraux avec l'avant à double came et muni d'ouvertures pour le refroidissement. Avec un réservoir de grande contenance, la machine est extrêmement basse et n'en paraît que plus longue.

La fin de la moto chez Follis

Joseph Follis ne se contente pas de dessiner les machines, il construit aussi les prototypes. Les grandes marques nationales de motos eurent de grandes craintes en voyant le mariage réussi de Follis avec Gnome & Rhône.

La gamme Follis, au milieu des années 50, est très complète, même si ce constructeur se limite à la fabrication des parties-cycles et monte sur les cyclomoteurs des moteurs Lavalette, Marquet, VAP... et sur les motos des moteurs Ydral, Gnome & Rhône, ILO, Sachs, NSU, Ultima, AMC et même Chaise.

Pour épauler Joseph, l'ingénieur hongrois Meriath dessine certains cyclomoteurs et sera à l'origine d’une partie de la série des machines chez Follis, ainsi que du très beau prototype V35 dont le cadre est en aluminium coulé et le moteur un Ydral horizontal. Ce modèle V35 sera aussi présenté au Salon sous la marque Dollar que vient de racheter Follis.

La raison sociale de Follis était " Etablissement Follis Mécanocycles" jusqu'au 1er janvier 1955 : elle devient alors "CLIMA" (Construction Lyonnaise Industrielle et Mécanique Automobile). Comme pour la majorité des marques françaises, la branche moto chez Follis disparaît début 1960, mais les vélos survivront.

Joseph, la tête toujours pleine d'idées, continue de construire différents véhicules sous la marque Follis, dont des karts 100 cm3 et même des voitures de course du type barquette à moteur Ferrari.

La gamme des vélomoteurs et motos Motavia

Toute la série de machines commercialisées à cette époque sous la marque Gnome & Rhône le sort aussi sous la marque Motavia : on trouvera ci-dessous les correspondances entre les deux marques.

La Motavia 3TV correspond à la Gnome & Rhône R4C
La Motavia 3TV Carénée correspond à la Gnome & Rhône R4C Carénée
La Motavia 4TV correspond à la Gnome & Rhône R5
La Motavia 4TV Spéciale correspond à la Gnome & Rhône R5 Spéciale
La Motavia 4TV Spéciale Carénée correspond à la Gnome & Rhône R5 Spéciale Carénée
La Motavia 4TV Carénée correspond à la Gnome & Rhône R5 Carénée
La Motavia 4TV Grand Luxe correspond à la Gnome & Rhône R5 Grand Luxe
La Motavia 4TV Grand Luxe Carénée correspond à la Gnome & Rhône R5 Grand Luxe Carénée
La Motavia 5TV correspond à la Gnome & Rhône L5
La Motavia 5TV Carénée correspond à la Gnome & Rhône L5 Carénée
La Motavia 6TV Carénée correspond à la Gnome & Rhône LC 531
La Motavia 6TV correspond à la Gnome & Rhône L53
La Motavia 6TV Trial correspond à la Gnome & Rhône L53 Trial
La Motavia 7TV Carénée correspond à la Gnome & Rhône LX 200 Carénée
La Motavia 7TV correspond à la Gnome & Rhône LX 200
La Motavia 7TV Trial correspond à la Gnome & Rhône LX 200 Trial
La Motavia 8TV correspond à la Gnome & Rhône R4D et Follis G26
La Motavia 9TV correspond à la Gnome & Rhône R4F

Jusqu'au bout... des raids : Paris-Pékin sur motocyclette Gnome & Rhône

Le 10 septembre 1957, à 10 heures du matin, du 49 avenue de la Grande Armée, partaient à destination de Pékin quatre machines Gnome & Rhône pilotées par Messieurs Antoine Voulon, chef de l'expédition, Georges Dassonville, Jean-Pierre Gilette et Bernard Grosberg. Le voyage aller doit passer par la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, l'Iran, L'Afghanistan, l'Inde, le Pakistan, la Birmanie.

Le retour se fera par la Mongolie Extérieure, l'U.R.S.S., la Pologne, l'Allemagne, la Belgique, soit au total 30 000 km. Le retour est prévu pour la fin de l'année. Les machines retenues pour ce raid sont :

2 vélomoteurs 125 cm3 R5 à 4 vitesses ;
1 motocyclette 175 cm3 L53 ;
1 motocyclette 200 cm3 LX200 tous-terrains ;
1 voiture Renault transportant le matériel de l'expédition.

Strictement de série, les machines ont seulement été dotées d'un filtre à air de grande dimension afin de permettre la traversée des déserts sans encombre.

C'est par une petite annonce que se sont recontrés nos voyageurs. Bernard Grosberg n'avait qu'une 125 à l'époque, il lui fallait se procurer un permis pour grosses cylindrées en 24 heures et comme par enchantement, il n'eut qu'une photo à fournir et le tour était joué. C'est lui qui pilotera la LX200 tous-terrains.

Il s'en sortira fort bien, jusqu'à deux cents mètres après le passage du Bosphore, lorsqu'il renverse un homme qui prend la fuite, sans rien de grave à première vue. En Turquie et au Pakistan, des jets de pierres accueillent nos aventuriers au guidon de leurs Gnome & Rhône. Entre les deux, la tôle ondulée iranienne, interminable, qui obligera l'expédition à se reposer sept jours à Téhéran, les biceps endoloris : quand les pilotes reprirent la route, ils étaient encore sensibles.

La tôle ondulée était à l'origine de la rupture du guidon de Bernard, et le peu de pièces détachées qui étaient transportées dans les sacoches des motos durent même être transférées dans l'auto car elles s'usaient par simple frottement.

La route est truffée de pièges, dans les contrées traversées, les trous sont énormes, les pierres aussi du reste, la poussière est insupportable, les camions représentent un danger de chaque instant, les crevaisons se succèdent, les mécaniques souffrent... A la descente de la Khyber Pass, qui coupe l'Himalaya occidental pour donner accès à l'Inde, on passe du froid vers les plaines chaudes, et l'un des moteurs rend l'âme. Heureusement, les pièces suivent et ce n'est qu'une formalité mécanique que de remplacer celui-ci et de continuer le périple.

Malheureusement, pour des raisons de visa et de mésentente au sein de l'équipe, l'aventure s'arrête à New-Delhi, et Bernard doit rentrer vers la France en avion. Quant aux autres, le retour sur les motos Gnome & Rhône se fera sans incident majeur.

Le chant du cygne : la R4X

Dernière machine présentée par l'usine, la R4X fait son apparition fin 1957 au cours du Salon de Paris, au prix de 145 000 F, ce qui la place entre la R4D (134 500 F) et la R4S (151 500 F). Cette moto n'est en fait qu'un nouvel assemblage à partir de pièces existantes. La partie-cycle est celle de la 125 R5, le moteur est le 3 vitesses à main des versions R4D : toutefois, la présentation a été particulièrement soignée, les couleurs sont vives (rouge et blanc), et une tôle enjoliveur vient cacher le carburateur et ainsi donner du volume à la ligne générale de la machine.

A noter que cette R4X est entièrement construite dans les usines Gnome & Rhône / Snecma.

Gustave Bernard a tout juste eu le temps de découvrir cette dernière moto de série grand public de chez Gnome et Rhône ; en effet, il est victime d'une embolie au volant de sa voiture et décède le 12 novembre 1957 à l'âge de 64 ans. Il espérait réaliser un jour une étape de Paris à Moscou sans ravitaillement mais ne put jamais réaliser ce rêve : le destin en décida autrement et ce nouveau raid, il le court toujours au paradis des motocyclistes...

Bref retour à la moto militaire : le prototype parachutable

La maîtrise des airs en cas de conflit a souvent amené son lot d’innovations diverses dans le domaine du parachutable, et la moto n’échappe pas à la règle. Les Américains proposent diverses espèces de patinettes motorisées d’un poids et d’un encombrement relativement faible ; les Anglais ont également suivi cette voie avec le Welbike ; les Belges quant à eux proposent une sorte de tricycle repliable relativement lourd mais prévu pour quatre personnes, le FN AS24

L’importance des missions parachutistes dans les conflits armés de la deuxième guerre mondiale a été déterminante dans ce choix de matériel semi-lourd pour tenir un point stratégique. Des opérations aéroportées ont ainsi eu lieu en Indochine avec le scooter américain Cushman, puis le choix de l’état-major français c’est porté sur le Vespa Acma fabriqué sous licence, d'une cylindrée de 150 cm3. Equipé d'un canon de 75 sans recul (soi-disant...), il est connu sous l’appellation TAP 56 (pour Troupes Aéroportées), puis TAP 59.

Gnome & Rhône construit en 1959 un prototype de machine destinée au parachutage : ce modèle est baptisé Type P (pour parachutable). Le moteur est un R4D dont le cylindre est tourné vers l’arrière pour diminuer l’encombrement total de la machine, grâce à la position très étudiée de l’échappement, en outre très silencieux. Le cadre est spécialement étudié pour la Type P : la fourche reste la classique fourche des modèles R3/R4, mais le cadre est équipé d’un bras oscillant avec mono-amortisseur central de type “silentbloc”. L’ensemble est muni de deux roues de 16 pouces. A l’avant et à l’arrière, de larges porte-bagages sont prévus pour recevoir un maximum de matériel.

Le guidon, la pédale de frein et les repose-pieds se replient pour prendre un minimum de place dans un conteneur parachutable de dimensions réduites. Les vitesses sont commandées au réservoir. La démultiplication est prévue pour une utilisation en tous-terrains : le volant magnétique et le reniflard sont étanches pour parer aux problèmes d’humidité. Enfin, des pare-cylindres protègent les parties sensibles afin d’éviter des opérations de mécanique lors de situations dangereuses.

Ce prototype n'a pas donné suite à une fabrication en série, mais il a survécu jusqu'à nous complet et en état de marche.

Le contexte est morose et avec 1960 arrive le déclin de l'industrie motocycliste française...

Il suffit de se référer aux statistiques Gnome & Rhône (les chiffres manquent pour certaines années) :

 

ANNEE

CYCLOMOTEURS

VELOMOTEURS

MOTOS

Dont 175

Dont 200

1946   1051      
1947          
1948          
1949   4300      
1950   4760      
1951   4534      
1952   5646      
1953          
1954   1591 1691 1432 259
1955 200 2750 591 431 160
1956 1725 2540 271 120 151
1957 1420 1421 166 2 164
1958 230 498 357   357
1959   455 376 13 363
1960   36      
1961          

 

Dès le début des années 50, la voiture et surtout la moto n'intéressent toujours pas ceux qui gouvernent le pays, par contre il suffit de regarder à l'étranger pour voir l'essor extraordinaire de l'industrie motocycliste. L'insuffisance de notre production, n'arrivant déjà pas à couvrir nos propres besoins, va nous fermer la porte des débouchés extérieurs, qui seuls auraient pu la sauver. Ce n'est pas le manque de qualité qui est reproché à la production française, c'est l'irrégularité des livraisons. La pénurie règne en France, tant pour le charbon que pour l'acier, le cuivre, etc... et la guerre d'Indochine fait encore rage.

On pourra comparer la politique britannique en la matière : les constructeurs anglais ont tout de suite après guerre centré leur effort sur l'exportation, en proposant des modèles plus attractifs et pas seulement utilitaires, pour engranger des devises. Qu'un certain immobilisme ait ensuite conduit au déclin de l'industrie motocycliste britannique est une autre histoire...

En 1951, les officiels poussent un peu plus loin le bouchon. Il est question d'interdire les compétitions aux catégories jusqu'à 125 cm3. Voilà nos constructeurs privés du droit de participer aux courses dans la seule catégorie correspondant à leur production ! Faudra-t-il construire des 126 cm3 pour voir le nom d'une marque française en compétition ? Les raisons invoquées par nos ministres sont des plus évasives. Ils prétendent que les véhicules dont la conduite ne nécessite pas de permis de conduire ne sont pas conçus pour la vitesse, et qu'il ne faut pas inciter les conducteurs... Il fut même envisagé de créer une catégorie 130 cm3 au Bol d'Or.

En 1952, la catégorie 175 cm3 arrive en force et cette cylindrée devient très utilisée en France. La production française est en plein essor, elle passe de 135 000 véhicules en 1949 et 219 000 en 1950 à 478 000 en 1951. Le boom constaté inclut aussi les cyclomoteurs en grand développement.

En 1953, l'équilibre semble atteint : l'effort de reconstruction du pays a été magnifique, désormais le client a le choix. De 1954 à 56, tout semble aller mieux, les constructeurs ont même repris goût à la compétition, la guerre d'Indochine est enfin terminée.

Après 1956, l'euphorie est retombée, la motocyclette vit de mauvaises heures. Vers 1957, l'ampleur des dégâts est telle que le bel avenir de la moto semble compromis. Techniquement les efforts des constructeurs sont remarquables et soudain, tout s'effondre, c'est l'anéantissement : il faut dire que les mesures officielles ou officieuses n'y sont pas pour rien...

Ce sont d'abord les restrictions du crédit, soi-disant pour sauvegarder l'économie : puis vient le tour du permis de conduire obligatoire pour les engins motorisés de 51 à 125 cm3, en principe pour réduire le nombre d'accidents de la circulation. Enfin, l'essence est de plus en plus chère, écrasée par les taxes, et subissant les effets de la crise de Suez. Les Français gagnent moins, et la vie devient de plus en plus difficile pour les ménages moyens et modestes.

Les assurances n'échappent pas à la règle, les primes deviennent écrasantes : elles sont calculées selon le classement des véhicules par le service des Mines, et l'injustice est flagrante par rapport à l'automobile. Une voiture ayant un moteur de 500 cm3 est taxée fiscalement à 2 CV, une moto de même cylindrée a droit à 5 CV sur sa carte grise et les tarifs des assurances suivent... Enfin, les charges excessives pesant sur les importations ont rendu presque impossible l'entrée des belles motos étrangères, seuls les mordus continuent de faire de la moto, mais leur nombre diminue régulièrement.

Les vélomoteurs, scooters et motocyclettes sont au bord du gouffre, la moto se meurt en France. La guerre d'Algérie accentue cette agonie au moment où la guerre froide bat son plein.

C'est dans ce douloureux contexte que de nombreux constructeurs mettent la clef sous la porte, et bien entendu, un jour c'est le tour de Gnome & Rhône...

La branche motocyclette de la Snecma s'arrête ainsi fin 1960. C'en est fini de l'aventure moto. Le matériel restant sera racheté par Ydral, comme exposé plus bas.

L'usine du boulevard Kellermann sera encore utilisée quelques temps par la branche aéronautique, puis vendue en 1968 lorsque la Snecma déménagera à Corbeil dans les locaux qu'elle occupe encore aujourd'hui. Démolie en 1970, elle laissera la place à une caserne de la Garde Républicaine, et certains témoignages portent à croire que divers prototypes, pièces et machines complètes ont été coulés dans le béton des fondations... essayez toujours de vous introduire clandestinement au troisième sous-sol avec un marteau-piqueur, et peut-être reverrons-nous un jour quelques prototypes !

29 mai 1961 : adieu Gnome & Rhône, bonjour Ydral

La signature d’un contrat de licence pour la fabrication et la vente des vélomoteurs et motos Gnome & Rhône de 125, 175 et 200 cm3, ainsi que des moteurs correspondants, est signé entre la Snecma, représentée par son PDG Henri Desbruères, et la société des Ateliers Mécaniques Ydral sise 83 rue Carnot à Suresnes, représentée par Messieurs Bouillard et Louveau. Ce 29 mai 1961 marque ainsi la fin de la moto chez Gnome & Rhône.

Ydral avait manifesté son intérêt pour les différents véhicules construits chez Gnome & Rhône et demandé à la SNECMA de lui en concéder la licence pour la fabrication et la vente, en précisant que la Snecma avait déjà consenti des licences non exclusives de fabrication et de vente à Casanova Serra de Barcelone en Espagne pour équiper le Biscooter et à Monsieur Breschner-Müller à Buenos-Aires en Argentine pour un usage que nous ne connaissons pas.

La licence Ydral est tout de même exclusive pour le territoire français, le contrat précisant que Ydral a le droit de fabriquer, faire fabriquer et vendre, sans aucune restriction territoriale, les moteurs, vélomoteurs, et motos de marque Gnome & Rhône.

Ydral rachète donc le stock de pièces et de machines montées à Gnome & Rhône. Les machines ou moteurs d’origine Snecma vendus par Ydral doivent comporter une plaque signalant qu’il s’agit de matériel sous licence Snecma.

Ydral fournit encore pendant de nombreuses années les clients civils, mais aussi l’armée, la SNCF, les PTT. De nombreuses pièces seront fabriquées pour satisfaire la clientèle et ceci jusqu’au début des années 70, en particulier pour les LX200 militaires. Ydral refabrique même des parties-cycle de R4X, pour utiliser la quantité de pièces restées dans les dépôts. Ces R4X sont plus particulièrement destinées à la S.N.C.F.