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Essai de la Gnome Rhône L53 paru dans Moto-Revue n° 1227 du 26 février 1955.


Les modèles de série sur la route : essai de la 175 cmc GNOME-RHONE L53.

Réclamé depuis de nombreux mois par nos lecteurs, nous voici enfin en mesure de publier l'essai de la 175 Gnome et Rhône L 53.
Après nos essais des 175 cmc Motobécane Z2C (numéro épuisé) et Z22C (n° 1194), des Peugeot 176 TC4 (n° 1171) et Grand sport (n° 1148), de l'AMC (n° 1142), de l'ancien Ydral (n° 1131), du New-Map à moteur Sachs (n° 1225), etc, ce présent article devrait permettre à tous les hésitants de fixer leurs idées, et disons d'ores et déjà, que, sous l'angle des performances, la nouvelle Gnome et Rhône apparaît comme légèrement supérieure aux modèles standards français précités (sauf New-Map), mais inférieure aux deux modèles sport, de Peugeot et Motobécane.
Il est un fait certain, que la majeure partie de la clientèle Gnome et Rhône semble être très attachée à sa marque, car nombreuses étaient les lettres de lecteurs, possesseurs de R4, nous apprenant qu'avant d'acquérir une 175 cmc, ils attendaient la sortie de la future L53.
Cet esprit de marque est dû avant tout au brio du petit 125, dont les 6 CV satisfaisaient pleinement les propriétaires qui de ce fait tenaient la dragée haute aux autres 125 cmc. Il semblait donc logique que la maison de Gennevilliers poursuive la même politique et nous fasse une 175 nettement plus puissante que les autres productions nationales de même cylindrée.
Les premières informations officielles nous apprirent que la nouvelle L 53 développait 9,5 CV, et ce à la roue arrière. Ceci comparé aux 8 à 8,5 CV courants, et souvent pris au vilebrequin, nous laissait supposer une nette différence dans les performances. que malheureusement le chronomètre n'a pu confirmer.
Plus vraisemblable est donc la vitesse de pointe de 100 km/h. imprimée sur les prospectus de la marque, et d'ailleurs sensiblement obtenue lors de nos essais.
Toutefois, n'importe quel technicien notera alors qu'i1 y a une certaine incompatibilité entre 9,5 CV à la roue AR et 100 km/h.

Mais avant de nous rendre à Moto-Vanves-Sport où Mr Wallet nous avait préparé une L 53 révisée par l'usine et affichant 11.000 km au compteur, penchons-nous un peu sur la conception de cette nouvelle 175. La partie cycle est bien dans la ligne Gnome et Rhône, constituée par des tubes d'acier assemblés par soudure électrique, et l'on peut regretter que la suspension arrière ne soit pas du type oscillant. Tout ici est conventionnel, sauf 1es moyeux-freins, en tôle découpée, qui firent l’objet d'une description dans notre numéro 1213. Bien que l'on constate un même classicisme dans la partie motrice, sa description s'impose, car le détail de sa réalisation n'apparaît pas à première vue.

La culasse, en alliage léger, comme il se doit, est abondamment pourvue d'ailettes formant un V ouvert face à la route. Une semblable culasse fut expérimentée sur les 125 cmc Sport d'usine et donna satisfaction.
Pour des raisons que nous avons exprimées bien souvent, le cylindre est en fonte, et afin de diminuer au maximum les effets de distorsion, toutes les ailettes sont interrompues de part et d'autre du cylindre. Une semblable technique se remarquait déjà sur les 125 cmc Gnome et Rhône.
Le moteur est sensiblement carré (6OX61), ce qui donne une cylindrée exacte de 172,47 cmc.
Comme sur la plupart des deux temps actuels, le balayage est du type Schnürle et dans le cas de la Gnome et Rhone, le diagramme de distribution indique que le moteur respire bien :
AOA 72° RFA 72°30'
AOT 61° RFT 62°30'
AOE 71° RFE 72°30'
Nos lecteurs remarqueront de suite que, contrairement à la logique, le diagramme n'est pas tout à fait symétrique. L'explication se trouve dans le 1éger désaxage du vilebrequin, pratiqué pour une meilleure utilisation de la poussée et un moindre bruit du piston (claquement).

Les dimensions des 1umières sont 1es suivantes : admission 34x18 (carbu de 25,4) ; transfert (2 fois) 23x13 ; échappement (2 fois) 19,5x12,5.
Pour un taux de compression moyen de 7 à 1, le moteur est donné comme développant 9,5 CV à 5.600 tr/min, puissance mesurée à la roue arrière.
Le vilebrequin repose sur trois roulements à bille, dont deux côté volant magnétique. Ce dernier, un ABG 4 VIG 190, est du type inversé, ce qui, entre autres avantages, permet une meilleure accessibilité et fatigue moins la queue de vilebrequin à la torsion, la masse du volant se trouvant rapprochée par rapport aux roulements.
A l'opposé, nous trouvons le pignon de transmission primaire, effectuée par une chaîne de 9,53 de 56 maillons.
Entre moteur et boîte, la démultiplication est de 2,25.

L'embrayage, contrairement à celui du 125 R4, travaille dans l'huile, et se compose de 9 disques, dont 4 sont garnis, chacun, de 15 pastilles Ferodo. L’application des disques, l'un sur l'autre, se fait par 6 ressorts donnant un tarage total de 168 kgs. En soi, la commande d'embrayage rappelle un peu celle que l'on rencontre sur les dernières boites Burman. Il s'agit de deux disques, comportant chacun des rainures hélicoïdales dans lesquelles se déplacent plusieurs billes. Les deux disques, en tournant en sens inverse, ont tendance à s'écarter et le disque de commande appuie sur la butée à billes de l'embrayage.
La boite de vitesses à 4 rapports est du type à prise directe. L'arbre intermédiaire tourne sur deux bagues, alors que l'arbre principal tourne sur 3 roulements, le pignon de sortie de boite se trouvant pris entre deux roulements. Le changement de vitesses, par sélecteur à double branche, s'effectue par 2 baladeurs, un sur chaque arbre.
Entraînée par un tournevis en bout de l'axe de sortie de boite, nous trouvons la prise du compteur de vitesse.
Maintenant que nous connaissons un peu mieux notre modèle, examinons la courbe de puissance (voir graphique) et les rapports de boite pour analyser la manière dont on a utilisé au mieux la puissance du moteur.
Le moteur L 53 serait à classer dans les moteurs à courbe de puissance pointue, développant par rapport à d'autres 175 nationaux, plus de chevaux à partir de 4.500 tr-m seulement, et surtout, son couple maximum n'étant situé qu'à 400 t.-m. seulement du régime de puissance maximum, caractéristique généralement rencontrée sur les moteurs sport.
Le moteur manque de ce fait d'un peu de coffre à bas régime, et dès lors, pour permettre des démarrages en montagne, la machine étant chargée, une première un peu courte, tout au moins par rapport aux autres 175 françaises (19,14 à 1 à 35.3 % de la 4e) n'est pas critiquab1e. La seconde (11,82 à 1 - 57 %) est correcte, alors que la troisième est un peu longue (8,62 à 1 - 78,3 %). A l'usage cette troisième était très agréable, très endurante, d'autant plus que la quatrième est trop longue (6,75 à 1), surtout dans le cas d'un moteur à courbe de puissance pointue où il y a intérêt à tirer un peu court pour ne pas être obligé de rétrograder en troisième à la première pente venue, au premier vent debout un peu fort.
En outre, il est curieux de constater que le moteur se refuse à tourner largement en surrégime, conséquence d'une baisse subite dans la valeur du remplissage parfaitement traduite par l’allure de la courbe de couple, passés les 5500 tr-m.
En troisième notamment, il fut impossible d’accrocher les 6000 tr-m alors qu’à ce régime le moteur donne encore 9 CV. A l’opposé, le régime minimum d’utilisation en quatrième, ne doit pas êtres inférieur à 2500 tr-m environ (puissance correspondante 3 CV) ce qui revient à une vitesse de 45 km/h environ.
La plage d’utilisation se trouve assez réduite et il ressort de tout ceci, qu’à la conduite, il faut toujours profiter au maximum de la présence des 4 rapports, sur lesquels nous avons atteint respectivement :

1ere : 46 km/h. (7360 tr-m)
2eme : 65 km/h (6420 tr-m)
3eme : 80 km/h (5770 tr-m)
4eme : 91 km/h (5130 tr-m) assis.
98 km/h (5530 tr-m) couché.

La vitesse de croisière en solo se situe aux environs de 80 km/h chrono, ce qui semble d'ailleurs être une vitesse de route affectionnée par nombre de motocyclistes, vitesse qui, dans le cas de la 175 Gnome, correspond à un régime de 4.500 tr-m. C'est d'ailleurs une vitesse qui, au point de vue tourisme, permet d'agréables moyennes.
Avec passager, une vitesse de croisière identique est aisément soutenable et nous avons enregistré, en pointe, 86 km/h (4.850 tr-m.) en prise, et en troisième 79 km/h (5.700 tr-m.).
Un mot encore sur la vitesse de pointe de 98 km/h. C’est certainement là un minimum, car la présence d'un porte-bagage garni d'un tan-sad, nous faisait adopter une position crapaud que le large guidon surélevé n'était pas fait pour modifier.
Les 100 km/h annoncés semblent donc très réalisables, même pessimistes.
La Gnome et Rhône donne au pilote une position très française, le buste droit, et les bras ouverts, ce qui empêche toute velléité de position sport. Mais ne perdons pas de vue que ce modèle est destiné, avant tout, à un usage touristique ou utilitaire.
Les accélérations se sont révélées être dans la bonne moyenne, le rapport poids/puissance étant de 12,4 kg au cheval, et la première assez démultipliée arrachant bien, et donnant de ce fait une valeur au départ arrêté sur 100 mètres, identique à celle résultant de notre essai de la Peugeot G.S. Après, évidemment, le modèle sport justifie son appellation.
départ arrêté :
100 mètres en 8" 3/5, moy. 41,8 km/h.
200 “ en 13" 3/5, moy. 52,9 km/h.
300 “ en 18" 1/5, moy. 59,3 km/h.
400 “ en 22" 2/5, moy. 64,3 km/h.
500 “ en 26" 3/5, moy. 67,7 km/h.
1.000 “ en 45" 3/5, moy. 78,9 km/h.
Dans notre côte d'essais, la 175 Gnome et Rhône, tout en réalisant de bons temps, ne fut pas particulièrement à son aise, car nous nous trouvions à cheval sur les rapports de deuxième et troisième, où, plus exactement, la brusque chute des courbes de puissance et de couple, après 6.000 tr-m., se faisait sentir, et nous empêchait de monter la seconde à plus de 62-63 km/h. Force nous était de passer en troisième, où nous retombions à 4400, 4500 tr-m.
Pilote 55 kgs : 23" 4/5, moy. 52.9 kmh.
Pilote 90 kgs : 25" 3/5; moy, 49.2 km/h.
A deux: 28" 3/5. moy, 44.05 km/h.
Avec passager, remarquons que seules première et seconde furent employées. Mais pour en finir avec ce que nous avons constaté en côte, lors de nos départs arrêtés, un inconvénient de la Gnome et Rhône nous est apparu, l'imprécision de son sélecteur en première et seconde.
Le passage de la première fut parfois délicat, d'ailleurs la notice délivrée avec la machine comporte un additif précisant : « Il est inutile et dangereux de frapper avec le pied sur la pédale de sélecteur pour passer la première vitesse. Une pression constante sur la pédale, accompagnée d'un léger embrayage, assurera un départ facile, ménagera le sélecteur ».
De même, si les passages de deuxième en troisième, et de troisième en quatrième se faisaient en toute sûreté, par contre, de première en seconde, il nous arrivait soit de tomber au point mort, soit que la vitesse saute après quelques instants. C'est là un point sur lequel Gnome et Rhône devrait se pencher sans plus tarder, et par la même occasion sur une certaine fragilité du ressort de sélecteur, le tout semblant assez étroitement lié. Par contre, le dessin de la pédale de sélecteur est très bon, les deux pédales étant bien en place.
Du bloc-moteur, il faut encore signaler l'absence de bruit mécanique - transmission primaire par chaîne - mais l'échappement, lui, a un bruit assez métallique, très proche de celui de la R4. En ce qui concerne les vibrations, nous n'en avons jamais noté l'apparition, quel que soit le régime.
La partie cycle, très classique, nous a donné dans l'ensemble satisfaction, et si une suspension arrière oscillante bien amortie procurerait un plus grand confort, il n 'y a toutefois rien à dire de la suspension arrière coulissante, qui, tout comme la fourche avant télescopique, se sont révélées exemptes de talonnage tout en n'étant pas dures. De même la tenue de route peut être qualifiée de très correcte.
Par contre, la qualité du freinage ne m'a pas séduit. D'abord le levier à main, trop écarté de la poignée des gaz pour une petite main, est assez dur, ce qui est explicable, lorsque l'on voit la levée très brutale de la came du frein, et les distances nécessaires à 50 km/h, pour obtenir l'arrêt complet sont assez importantes :
Frein avant seul: 20,6 m.
Frein arrière seul: 21, 7 m.
Les deux : 14,7 m.
A l'actif de ces freins, il faut reconnaître qu'ils sont progressifs, mais agissent trop comme des ralentisseurs, ce qui est surprenant lorsque l'on sait que ces tambours possèdent deux mâchoires super freinantes, et que leur conception témoigne d'une certaine recherche.
De l'éclairage, nous dirons qu'il s'est montré à la hauteur des performances de la machine.
Il est fourni, ainsi que l'allumage, par un volant magnétique, non pas de 6 volts, mais de 12 volts, ce qui est très rare comme tension d'appareillage é1ectrique motocycliste. Ce volant est un ABG 4 VIG 190, donnant 40 watts à 4.000 tr-m.
Nous trouvons une ampoule phare code de 12 volts. 36 watts, 2 plots, 3 ergots, gros culot ; à la veilleuse, une ampoule navette 6 volts, 0,66 ampères, et à 1'arrière une ampoule navette 12 volts 0,33 ampère. L'ampoule de la veilleuse n'est qu'une 6 volts, car son courant est fourni non pas par le volant magnétique - le moteur étant arrêté - mais par une batterie Fulmen 6 V 7 AH, rechargée par l'intermédiaire d'un redresseur. Le courant de l'avertisseur provient également de la batterie.
Notons encore les garde-boue très enveloppants, le réservoir Mottaz d'une bonne contenance (13L5), possédant 2 concavités pour les genoux : la selle, avec ressort unique à tension réglable, les roues à broche, la finition noir avec filets verts, qui donne à la fois une note de sobriété et de chic.
La 175 Gnome et Rhône apparaît donc comme un modèle classique, très représentatif des conceptions nationales en la cylindrée, et son prix de 175.000 fr. + taxes, très légèrement supérieur à celui d'autres 175 de grande série, se trouve compensé par des performances également légèrement supérieures.
La L 53 est incontestablement un excellent modèle utilitaire, aussi à l'aise sur route qu'en ville, avec ou sans passager, et il ne manque plus au constructeur qu'à remédier aux quelques inconvénients relevés au cours de cet article et à ajouter quelques km/h, pour faire de cette machine une excellente 175 cmc de classe internationale.

 

C.R.

 

 

P.S. - Depuis la rédaction de cet essai, qui remonte à début janvier, j'ai eu l'occasion de faire un tour à l'usine de Gennevilliers, et ainsi j'ai pu, en toute liberté, détailler les L.53, modèle 1955.
La machine que nous avons essayée était une des toutes premières sorties, et c'est ainsi que je puis vous affirmer que les modèles actuels possèdent : des orifices de crabotages plus grands dans les pignons de première et seconde, facilitant le passage de ces deux vitesses, un ressort de sélecteur plus solide, non plus à deux, mais à trois spires, des assourdisseurs montés de série dans les pots d'échappement, autant de modifications qui démontrent le bien fondé de nos critiques, mais surtout prouvent que le constructeur a remédié au plus vite à ces quelques défauts de jeunesse.

Les quelques km/h que nous réclamions, nous croyons que les modèles actuellement produits les possèdent, car les moteurs développent réellement, en moyenne, 9,5 CV à la roue arrière. D'ailleurs il est intéressant de signaler que la puissance de tous les moteurs est contrôlée au banc, que chaque moteur possède une fiche gardée à l'usine, et ainsi nous avons pu savoir que le moteur de notre machine, lors de sa révision à l'usine, fut passé au banc et développa 9,1 CV (avec le silencieux du banc, qui n'est pas fait pour donner des chevaux).


Si nous n'avons pas obtenu de meilleures performances, les techniciens de Gnome et Rhône en trouvent l'explication dans un calaminage du tube d'échappement et du silencieux, inévitable après un tel kilométrage, calaminage qui peut faire tomber la puissance de 10 % environ.

 

 

 

 
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